CHAPITRE YII
LES TRICYCLES ET QUADRICYCLES A PÉTROLE
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Nous venons de voir, dans le précédent chapitre, qu’il existe une douzaine de modèles différents de bicyclettes pourvues de moteurs à essence leur permettant de rouler à des vitesses pouvant atteindre 40 et même 50 kilomètres à l’heure. Les constructeurs ont fait connaître également divers types de vélocipèdes automobiles à trois roues; on peut même dire que la plupart des grands ateliers outillés pour la construction des cycles se sont mis, sur la demande de leurs clients, à monter des tricycles à l’aide de pièces détachées que Ton peut trouver maintenant en série.
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Chacun de ces constructeurs donne au véhicule à trois roues la disposition qui lui paraît la plus convenable pour atteindre le maximum de solidité. Beaucoup d’entre eux ont songé à consolider le bâti, assurer la rigidité de l’ensemble, à établir surtout des machines donnant une entière sécurité, mais, en ce qui concerne le moteur, ils ont conservé les dispositions déjà connues, et c’est le plus souvent le moteur de Dion et Bouton qui est employé, avec son carburateur et ses accessoires, décrits dans notre chapitre III.
Comme on reproche à ce moteur de manquer un peu de puissance dans les côtes, surtout quand le tricycle remorque une voiturette ou un arrière-train, certains constructeurs lui préfèrent des systèmes plus robustes, et les modèles de Aster, du Sphinx commencent à recevoir des applications de plus en plus nombreuses. En général, les constructeurs suivent tous les désirs de leurs clients et ils montent maintenant sur les tricycles fabriqués dans leurs ateliers le système de moteur et de carburateur qui leur est demandé. A l’acheteur de déterminer, en faisant sa commande, le genre de moteur qu’il préfère ; il sera fait suivant son goût.
Nous donnerons dans ce chapitre de courtes monographies des modèles de tricycles les plus estimés et dont l’expérience a montré les qualités.
Tricycle de Dion et Bouton. — La fig. 62 donne la vue d’ensemble du plus récent modèle construit aux ateliers de Puteaux. Les constructeurs ayant constaté qu’il était néces- cessaire de protéger les engrenages de transmission laissés nus auparavant, et de les garantir contre la poussière et la boue, les ont enveloppés d’un carter formant partie intégrante du bâti du tricycle. Ce carter sert à la fois de préservateur contre les impuretés qui pourraient se loger dans les dentures d’engrenages et de boîte à graisse. A cet effet, il porte dans sa partie basse, au-dessus du renflement où est logé le pignon, un écrou formant bouchon et masquant une porte d’entrée par laquelle on peut introduire, à l’aide d’une spatule, une certaine quantité de graisse consistante suffisante pour un fonctionnement de six mois.
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Dans les anciens modèles, lorsqu’il était nécessaire de démonter les deux parties de l’axe d’arrière, il était obligatoire de démonter également le mouvement différentiel dont cet axe était solidaire. Ce travail assez long et fastidieux est diminué dans les nouveaux tris. Chacune des deux parties de l’axe est enfermée dans un tube et supportée par des coussinets à billes dont les boîtes se vissent à chaque extrémité. Ce sont des roulements trois points évitant tout glissement.
Cet ensemble se présente un peu comme l’ensemble des pièces formant l’axe du pédalier d’une bicyclette et que tous nos lecteurs connaissent : un axe intérieur, à deux cônes opposés et deux boîtes à billes. Pour régler les roulements, il suffit d’agir sur une seule des boîtes, la boîte extérieure, puisque l’autre en est solidaire. La simplicité du réglage est donc réelle.
La simplicité du démontage l’est tout autant. En effet l’axe (c’est la portion gauche que nous continuons à examiner), porte à son extrémité droite une partie carrée qui vient s’engager dans un creux correspondant qui a été ménagé dans le centre de la roue dentée. La roue dentée (entraînée parle pignon), entraîne donc la portion gauche de l’axe moteur, par l’effet seulement de son emboîtement sur l’une et l’autre de ces portions d’axe. L’axe de la roue de droite porte à son extrémité gauche une partie carrée qui vient s’engager dans la boîte du différentiel. Même simplicité de démontage et de remontage.
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En somme, par ce procédé, non seulement la manipulation de l’axe moteur se rapproche davantage du système vélocipédique, mais encore le roulement est manifestement amélioré parla meilleure connexion des boites à billes entre elles.
Le frein dit à cuiller qui agissait sur le pneumatique de la roue directrice, a été supprimé. Son efficacité était en effet contestable ; son rôle destructeur du caoutchouc l’était par contre beaucoup moins. Le frein d’avant a donc été remplacé par un frein à lame qui agit sur un tambour placé à gauche de l’axe de la roue directrice.
Le frein d’arrière, également à lame et à tambour, a été maintenu. Mais le diamètre du tambour a été augmenté. L’efficacité de ce frein en est donc accrue d’autant. Notons encore que les quatre manettes (carburation, admission, allumage et compression) sont toujours groupées au-devant de la selle, d’après le dispositif qui avait été précédemment adopté lors du « cheval 3/4 » 1898. Kemarquons enfin que la construction d’ensemble de l’appareil a été beaucoup solidifiée et rendue plus pratique pour le client. Les écrous et les boulons sont plus accessibles, et le démontage de la distribution par exemple, qui représentait jadis presque un petit tour d’adresse, est aujourd’hui à la portée de tout le monde. Suivant les demandes qui lui en sont faites par les acheteurs, la maison de Dion- Bouton monte sur ses motocycles soit le moteur de 85 kilogrammètres (type dit 1 cheval 3/4), soit le moteur de 2 chevaux 1/4 (donnant 160 kilogrammètres au frein) et étudié en 1899. Enfin, dans certains cas, pour les courses sur côtes notamment, certains chauffeurs ont fait usage de moteurs développant jusqu’à 3 chevaux 1/2 et 4 chevaux, et rendant ainsi inutiles tous les mécanismes de changement de vitesse. Suivant l’usage auquel le tricycle est destiné, les constructeurs le munissent d’une multiplication particulière. Le rapport 11X106 (11 dents au pignon moteur, 106 à la couronne dentée de transmission) donne une vitesse moyenne de 25 kilomètres à l’heure, et convient surtout aux voyages en pays accidentés, ou aux motocycles tracteurs ; les rapports 13X104,13Xl02 et 18X96, donnent des vitesses de 30, 35 et 45 kilomètres ; leur emploi est seulement avantageux dans les pays de plaine, pour les courses et lorsqu’on n’a pas de voiturette-remorqne à atteler à la machine.
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Tricycles à moteur de Dion et Bouton. — Comme nous le disions plus haut, beaucoup de constructeurs, précédemment spécialisés à la fabrication du vélocipède, se sont mis, devant la vogue prise par le motocycle et sur la demande de leurs clients, à construire des tricycles pourvus de moteurs achetés à l’usine de Puteaux ou aux spécialistes du moteur à pétrole pour motocycles, comme sont les Sociétés le Sphinx VAster, la Minerve, etc. Nous décrirons rapidement ici les machines de ce genre, qui ont été remarquées lors des récentes expositions, et dont l’agencement mérite un instant d’attention.
Tricycles Marot Gardon. — Ces motocycles sont d’une construction irréprochable, en matériaux de première qualité et montés avec un soin parfait, aussi sont-ils très appréciés, en raison de leur robustesse et de leur bon fonctionnement. La disposition générale est celle du tricycle de Dion, mais avec plus d’élégance et de fini. Toutes les parties mobiles se trouvent protégées ; des haubans empêchent toute flexion du pont arrière, l’ensemble donne une impression de solidité, et les organes de commande sont bien groupés. Ces machines ont prouvé leur valeur et leur endurance dans de nombreuses courses où ils ont honorablement figuré, notament dans la célèbre course de Paris-Amsterdam et retour et la Coupe des Motocycles de 1898.
Motocycles Clément. — La grande fabrique de bicyclettes Clément s’est adonnée à la construction des automobiles, et le modèle de tricycle, exposé au dernier Salon du Cycle, se distingue surtout par son train arrière muni d’un différentiel à trois compartiments. Son encliquetage de mise en marche est enfermé dans le carter au lieu de l’être dans le pédalier, de telle sorte que la chaîne reste immobile quand le moteur travaille seul. Les roulements extérieurs de l’axe des roues motrices sont logés sous les moyeux, ce qui supprime tout porte-à-faux. Enfin toutes les pièces sont interchangeables et ajustées avec toute la précision désirable à l’aide de machines-outils perfectionnées.
La magnifique usine du quai Michelet, à Levallois, est d’ailleurs installée suivant les dernières prescriptions de la science moderne et possède, avec un personnel d’élite, un outillage de haute précision, capable de produire les machines les plus parfaites. Aussi est-ce à juste titre que les amateurs recherchent et vantent les motocycles et les voiturettes montés dans les ateliers Clément, et qui présentent un cachet d’élégance et de bon goût tout particulier, qualités qui ont contribué au succès de la grande marque française.
Motocycles Comiot. — Il existe deux modèles (type 1899). Le premier est destiné à la circulation ordinaire dans les villes et sur les routes, sa vitesse est de 25 kilomètres à l’heure ; le second est aussi allégé que possible et indiqué spécialement pour les courses, sa vitesse pouvant atteindre 50 kilomètres à l’heure. Le modèle ordinaire est d’une grande solidité, aucune rupture de pièces n’est à redouter ; il est muni de la fourche quadritubulaire Eadie, brevet Schmit et monté sur pneus Michelin. Le type de course ne pèse que 80 kilos et il est monté sur pneüs Dunlop de course. Il possède un réservoir d’essence d’une capacité de 5 litres, alimentant le carburateur, et un compartiment renfermant 1 litre d’huile minérale à graisser. Le motocycliste pourvu de ce récipient peut courir 250 kilomètres sans avoir à quitter sa selle.
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CHAPTER VII
PETROL TRICYCLES AND QUADRICYCLES
We have seen in the previous chapter that there are a dozen different models of bicycles equipped with gasoline engines allowing them to run at speeds of up to 40 and even 50 kilometers per hour. Manufacturers have also made known various types of three-wheeled automobile velocipedes; we can safely say that most large workshops equipped for the construction of the cycles began, at the request of their customers, to assemble tricycles using components that can now be found in series.
Each of these manufacturers gives the three wheeled vehicles the arrangement that seems to him the most suitable to achieve maximum power. Many of them have thought of consolidating the frame, ensuring the rigidity of the whole, of establishing above all machines giving a complete security, but, as far as the engine is concerned, they kept the layouts already known, and this is most often the engine of De Dion et Bouton which is employed, with its carburettor and its accessories, described in our chapter III.
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As this engine is criticized for lacking a little power on hills, especially when the tricycle is towing a cart or a rear end, some manufacturers they prefer more robust systems, and the models of Aster and Sphinx begin to receive applications more and more numerous. In general, manufacturers follow all the wishes of their customers and they now mount on the tricycles manufactured in their workshops the engine and carburettor system that is requested of them. It is up to the buyer to determine, when ordering, the kind of engine he prefers; it will be made according to his taste.
We will give in this chapter short monographs of the most esteemed models of tricycles whose qualities have been shown by experience.
De Dion et Bouton Tricycle. — Fig. 62 gives a visual overview of the most recent model built in the Puteaux workshops. Manufacturers having observed that it was necessary to protect the transmission gears left bare before, and to protect them against dust and mud, encased them to form an integral part of the frame of the tricycle. This casing serves both as a preservative against impurities which could become lodged in the gear teeth and grease box. For this purpose, it carries in its lower part, above the bulge which houses the pinion, a nut forming a plug and concealing an entrance through which one can deliver, using a spatula, a measured amount of grease sufficient for six months of operation.
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In older models, when it was necessary to dismantle the two parts of the rear axle, it was mandatory to also dismantle the differential movement whose this axis was united. This rather long and tedious work is decreased in the new sorts. Each of the two parts of the axis is enclosed in a tube and supported by ball bearings with boxes screwing into each end. These are three-point bearings preventing any slippage.
This set looks a bit like the set of parts forming the axle of the bottom bracket of a bicycle and that all our readers know: an internal axis, with two cones opposites and two ball boxes. To adjust the bearings, it is enough to act on only one of the boxes, the outer box, since the other is in solidarity with it. The ease of adjustment is therefore real.
The simplicity of dismantling is just as important. Indeed the axis (it is the left portion that we continue to examine), bears at its right end a square part which comes engage in a corresponding hollow which has been made in the center of the cogwheel. The toothed wheel (driven by pinion), therefore drives the left portion of the axle motor, solely by the effect of its interlocking on one and the other of these axis portions. The axle of the right wheel carries at its left end a square part which comes engage the differential box. Same simplicity of disassembly and reassembly.
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In short, by this process, not only the manipulation of the motor axis is closer to the velocipedic system, but the bearing is still clearly improved by the better connection of the ball boxes between them.
The brake says to spoon which acted on the tire of the steering wheel, has been removed. Its effectiveness was questionable effect; its destructive role in rubber was however much less. The front brake was therefore replaced by a blade brake which acts on a drum placed to the left of the steering wheel axis.
The rear brake, also blade and drum, has been maintained. But the diameter of the drum has been increased. The effectiveness of this brake is therefore increased accordingly. Note although the four levers (fuel, intake, ignition and compression) are always grouped in front of the saddle, according to the device which had been previously adopted during the "horse 3/4" 1898. Finally, note that the overall construction of the device has been much solidified and made more convenient for the customer. Nuts and the bolts are more accessible, and the dismantling of the distribution, for example, which once represented almost a little tour de skill, is now within the reach of everybody.
According to the requests made to it by buyers, the house of Dion-Bouton rides on its motorcycles either the 85-kilogram engine (type called 1 3/4 horsepower), or the 2 1/4 horsepower engine (giving 160 kilogrammeters to the brake) and studied in 1899. Finally, in certain cases, for hill races in particular, some drivers have uses motors developing up to 3 1/2 horsepower and 4 horsepower, thus making all the mechanisms useless of gear change.
Depending on the use for which the tricycle is intended, manufacturers equip it with a particular multiplication. The 11X106 ratio (11 teeth at the engine pinion, 106 at the transmission ring gear) gives a speed average of 25 kilometers per hour, and is especially suitable for travel in rugged conditions, or for towing trailers; the 13X104, 13Xl02 and 18X96 ratios, give speeds speeds of 30, 35 and 45 kilometres; their job is only advantageous in lowland countries, for races and when there is no cart-trailer to hitch to the machine.
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De Dion & Bouton Motor Tricycles. - As we said above, many manufacturers, previously specialized in the manufacture of the velocipede, have put themselves, in front of the vogue taken by the motorcycle and on the request of their customers, to build tricycles equipped with motors purchased from the Puteaux factory or from engine specialists gasoline for motorcycles, as are the Sociétés le Sphinx, l'Aster, la Minerve, etc. We will briefly describe here the machines of this kind, which were noticed during the recent exhibitions, and whose arrangement deserves a moment of attention.
Marot Gardon tricycles. — These motorcycles are of impeccable construction, made from top quality materials and mounted with great care, so they are much appreciated, due to their sturdiness and functionality. The general arrangement is that of De Dion's tricycle, but with more elegance and finish. All moving parts are protected; guy ropes prevent any bending from the rear axle, the whole gives an impression of solidity, and the controls are well grouped. These machines have proven their worth and endurance in many races where they have honorably appeared, notably in the famous Paris-Amsterdam-Paris race and the 1898 Motorcycle Cup.
Clement Motorcycles. — The great bicycle factory Clément devoted itself to the construction of automobiles, and the tricycle model, exhibited at the last Salon du Cycle, is distinguished above all by its rear axle equipped a three-compartment differential. Its snap starter is enclosed in the crankcase instead of being in the crankset, so that the chain remains motionless when the motor works alone. Bearings outside of the axle of the drive wheels are housed under the hubs, which eliminates any overhang. Finally all parts are interchangeable and adjusted with all desirable precision using advanced machine tools.
The magnificent Quai Michelet factory in Levallois is moreover installed according to the latest prescriptions of the modern science and has, with an elite staff, a high-precision tooling, capable of producing the most perfect machines. It is therefore right that the enthusiasts look for and praise the motorcycles and carts assembled in the Clément workshops, and which present a stamp of elegance and very particular good taste, qualities which have contributed to the success of the great French brand.
Comiot motorcycles. — There are two models (type 1899). The first is intended for ordinary traffic in cities and on the roads, its speed is 25 kilometers to time ; the second is as light as possible and indicated specially for racing, its speed can reach 50 kilometers per hour. The regular model is of a great solidity, no breakage of parts is to be feared; it is equipped with the Eadie four-tube fork, patent Schmit and mounted on Michelin tyres. The racing type weighs only 80 kilos and it is mounted on Dunlop racing tyres. It has a fuel tank with a capacity of 5 litres, supplying the carburettor, and a compartment containing 1 litre of mineral oil for lubrication. The motorcyclist provided with this container can run 250 kilometers without having to leave the saddle.